AGO-RE

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Version de Siège - G BOOG 2004

J Gynecol Obstet Biol Reprod 2004 ; 33 : 94-98.

Zone de Texte:  Mise à jour

Les méthodes alternatives

à la version par manœoeuvre externe

en cas de présentation du siège

Revue de la littérature

G. Boog

Service de Gynécologie-Obstétrique, CHU de Nantes, 7, quai Moncousu, 44093 Nantes Cedex 1.

RÉSUMÉ

La césarienne s'impose de plus en plus dans la prise en charge des présentations du siège à terme. Compte tenu de ses risques concernant la morbidité et la mortalité maternelles, il apparaît utile de connaître les méthodes naturelles inoffen­sives, facilitant la version spontanée du siège. L'objectif est de favoriser la motricité fœtale pour accroître la fréquence des bascules physiologiques de la tête fœtale, que ce soit par des techniques posturales (pont passif, version indienne, position genu-pectorale) ou par la stimulation de points d'acupuncture (point BL 67 de l'orteil et points auriculaires). D'autres procédés ont été tentés comme la chiropraxie et l'hypnose. Bien que la plupart des études soient rétrospectives, elles permettent apparemment d'obtenir des taux de versions spontanées du siège comparables à ceux de la version par manœuvre externe, évitant ainsi des procédures complexes, potentiellement dangereuses et certainement coûteuses en temps et en personnel. La seule méthode, évaluée par une étude randomisée et contrôlée, ayant fait la preuve de son efficacité concerne la moxibustion (stimulation du point BL 67 à l'angle externe du 5e orteil par la chaleur).

Mots-clés : Version spontanée du siège • Techniques posturales • Acupuncture • Moxibustion • Chiropraxie • Hypnose.

SUMMARY: Alternative methods for external cephalic version in the event of breech presentation: review of the literature.

Fetal breech presentation at term is more and more treated by a planned cesarean section. Considering the increased maternal morbidity and mortality in relation to abdominal delivery versus vaginal birth, natural and innocuous methods have been proposed for the promotion of a spontaneous fetal cephalic version during the last two months of pregnancy. In order to stimulate fetal motility many techniques have been described, either advising postural methods (passive bridge, Indian version, knee-chest position) or using acupuncture (stimulation of the fifth toe and auricular points). Other techniques like chiropractic manipulations or hypnosis have also been tried. Unfortunately, most publications are retrospective and methodologically inaccurate, but it seems that their results may be favorably compared with that of the external cephalic version, a much more complex procedure, which is potentially dangerous and certainly time consuming and expensive. The only randomized controlled trial with a proven efficacy concerns moxibustion (burning herbs to stimulate the acupoint BL 67 or Zhiyin, located beside the outer corner of the fifth toenail).

Key words: Spontaneous cephalic version of the breech • Postural management • Acupuncture • Moxibustion • Chiropraxis • Hypnosis.


Tirés à part : G. Boog, à l'adresse ci-dessus. E-mail : georges.boog@chu-nantes.fr

Reçu le 8 août 2003. Avis du Comité de Lecture le 30 septembre 2003. Définitivement accepté le 15 octobre 2003.

En l'an 2000, Hannah et al. [1] ont montré une diminution de deux tiers de la mortalité périnatale et néonatale et de la morbidité sévère de l'enfant en cas de césarienne programmée pour siège par rapport à la voie basse (RR = 0,33 ; IC à 95 % : 0,19-0,56), dans un travail multicentrique peu homogène, à qui l'on a reproché de nombreux biais de sélection, notam­ment le très faible nombre de cas recrutés dans cer­tains centres.

D'autres publications sont venues, par la suite, ren­forcer le choix de la césarienne systématique, vu les meilleurs résultats périnatals en matière de scores d'Apgar à 5 minutes de vie [2-4], d'acidoses [2], de lésions traumatiques et neurologiques [2, 5]. En ana­lysant les 12 cas de morts per-partum et néonatales de sièges à terme du Danemark, Krebs et al. [6] ont constaté que 58 % des évolutions défavorables auraient été évitées par une meilleure prise en compte de la pathologie gravidique associée, par un meilleur choix du moment de la césarienne et par une meilleure compliance de la part des patientes. Une série hollandaise toute récente confirme le meilleur 

pronostic de la naissance par césarienne. À partir de 31 439 naissances par le siège d'enfants ? 4 000 g et de 2 385 enfants > 4 000 g, dont 16 884 sièges sont nés sans l'utilisation d'ocytociques, les données sont en fait, sans ambiguïté, en faveur de la césarienne sys­tématique, non seulement pour la mortalité périnatale qui est divisée par deux (0,17 % versus 0,39 %) (OR = 0,43 ; IC à 95 % : 0,20-0,94), mais aussi pour les mauvaises adaptations à la vie extra-utérine (Apgar < 7 à la cinquième minute) 7 fois moins fré­quentes (0,4 % versus 2,8 %) (OR = 0,15 ; IC à 95 % : 0,09-0,24) et pour les traumatismes fœtaux qui sont trois fois plus rares (0,17 % versus 0,50 %) (OR = 0,33 ; IC à 95 % : 0,16-0,71) [7].

Cependant, comme le rappelle l'étude hollandaise, les meilleurs résultats obtenus avec la césarienne dans le siège doivent être mis en balance avec un risque maternel plus élevé. En effet, la mortalité maternelle est multipliée par 12 lors d'un acte réalisé en urgence et par 4 dans un contexte programmé par rapport à la voie basse [8] et, comme l'ont montré Lilford et al.

[9]              la mortalité de cause directe est multipliée par un facteur de 4,7 par référence à la voie vaginale et par un facteur de 1,4 pour la césarienne pendant le travail par rapport à la césarienne élective. N'oublions pas, non plus, les risques à long terme de rupture utérine et d'insertion accreta du placenta en cas d'interven­tions itératives. La méta-analyse de Hofmeyr et al.

[10]     confirme, par ailleurs, que la césarienne s'accompagne également d'une augmentation de la morbidité maternelle légère, notamment des infec­tions et des hémorragies.

Comme l'ont montré Westgren et al. [11] à propos de 310 sièges diagnostiqués lors de l'échographie de

32 semaines d'aménorrhée (SA), le pourcentage de versions spontanées observées au terme de la gros­sesse est de 57 %, alors que si le fœtus est en présen­tation céphalique ou transverse à 32 SA le risque de version en siège est de 5 %. La version spontanée est plus difficile en cas de siège décomplété, de retard de croissance intra-utérin, de cordon ombilical court et chez les primigestes.

En fonction de ces diverses données et quel que soit le mode d'accouchement utilisé dans la présen­tation du siège, il est évident qu'il faut privilégier la version du siège découvert lors de l'échographie de 32 SA au cours des deux derniers mois de la grossesse.

Pour faciliter la bascule du siège in utero, on peut essayer de manière atraumatique d'augmenter l'acti­vité motrice fœtale d'une part en utilisant des méthodesposturales, d'autre part en stimulant des points d'acu­puncture situés à l'angle externe de l'ongle du 5e orteil ou au niveau de l'oreille, ou en recourant à un chiropracteur pour des manipulations, et en utili­sant éventuellement l'hypnose.

 

LES MÉTHODES POSTURALES

 

Le pont passif de Bayer

Revenant d'un congrès mondial à Mexico en 1976, où il avait entendu une communication sur la version spontanée du siège pratiquée par les Incas, Bayer [12] a appliqué la méthode à 6 998 patientes de sa clien­tèle. Sur les 244 présentations du siège constatées entre 28 et 30 SA, l'auteur n'a noté que 66 échecs de version (27 %), dont 44 étaient dus à des obstacles relatifs. Lors de l'accouchement, la fréquence des sièges qui était de 3,79 % au 7 e mois était passée à 1,24 %.

Dans une lettre publiée en 2001, nous avions donné nos résultats concernant cette méthode appliquée à une clientèle personnelle [13]. Dès la confirmation de la présentation du siège, après l'échographie de

32 SA, les gestantes étaient invitées à prendre la posi­tion du « pont passif » en surélevant les vertèbres lombaires de 30 à 35 centimètres et à garder cette position environ 20 minutes, matin et soir tous les jours jusqu'au moment où elles ressentaient une modification du site des mouvements fœtaux, avec une nouvelle échographie de confirmation de la bas­cule fœtale ou jusqu'à la visite de début du 9 e mois (fig. 1). En cas de persistance du siège, nous pro­posions une version par manœuvre externe (VME) à 36-37 SA. Sur les 554 gestantes suivies par nos soins,

33 ont utilisé la méthode entre 32 et 34 SA (5,9 %). Une seule patiente a abandonné la technique, du fait de lombalgies. Nous avons fait une étude cas-contrôles avec 1 108 témoins, sélectionnés selon les deux accouchements suivants. Lors de la consultation du 9e mois le taux de versions spontanées était de 24/33,

Figure 1 Le « pont passif » de Bayer. Bayer's passive bridge.

Figure 2 La « version indienne ». Indian version.

soit 73 % dans le groupe d'étude contre 2 1/76 (27 %) dans le groupe témoin (OR pour la version spontanée = 6,98 ; IC à 95 % : 2,57-19,49). Après 36 SA, nous avons tenté 7 VME dans le groupe d'étude avec 2 succès et un fœtus en présentation céphalique à 32 SA est né par le siège. Dans le groupe contrôle, 61 VME ont été tentées chez 55 patientes avec 22 succès (40 %). Par conséquent, le « pont passif » diminue, dans notre expérience, de façon significative le recours à la VME (7/557 versus 61/1 108 : OR = 0,22 ; IC à 95 % : 0,09-0,50). Au moment de l'accouchement nous avons noté une nette tendance à la diminution des sièges de 8/5 54 dans le groupe postural (1,4 %) à 33/1 108 dans le groupe témoin (2,9 %) (OR = 0,48 ; IC à 95 % : 0,20-1,09).

La version indienne

La critique majeure de notre travail est qu'il est rétrospectif. Bung et al. [14] et Obwegeser et al. [15] ont fait des études randomisées prospectives avec une technique dite « version indienne » qui consiste à faci­liter la version spontanée en surélevant le pelvis mater­nel et en réalisant une abduction des cuisses, avec une

Figure 3 La position genu-pectorale.
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relaxation musculaire à l'aide d'une respiration abdo­minale profonde (fig. 2). En combinant les deux études, il s'avère que la méthode semble dénuée d'efficacité quant à l'incidence des sièges à l'accouchement (OR = 0,62 ; IC à 95 % : 0,29-1,31 ; p = 0,24).

La position genu-pectorale

La gestante se met à genoux, et prend appui sur les mains. Après une détente musculaire complète et une série de respirations profondes, elle fléchit les genoux et pose les avant-bras et les coudes au sol, la posture étant maintenue trois fois par jour pendant 1 à 2 semaines (fig. 3). Dans l'étude d'Elkins [16], sur 71 sièges soumis à cette méthode entre 36 et 37 SA, 65 versions spontanées se sont produites, mais les deux études randomisées de Chenia et al. [17] et de Smith et al. [18] ne montrent pas de différence signi­ficative entre les groupes traités et les témoins.

 

L'ACUPUNCTURE

 

Dans la médecine chinoise, il existe un point de sti­mulation (point BL67), appelé Zhiyin, à proximité de l'angle externe de l'ongle du 5 e orteil. Ce point peut être stimulé par des aiguilles d'électro-acupuncture [19, 20], par le froid à l'aide d'une pâte de gingembre frais [21] et par la chaleur libérée par la combustion d'une plante (Artemisia vulgaris) appelée Moxibustion [22-25]. Dans une étude préliminaire, Cardini et al. [23] à Vérone ont obtenu, avec cette méthode, 60,6 % de versions, soit 48 % chez les primigestes et 70 % chez les multigestes. Cette différence par rapport aux chances de versions spontanées ne devenait, en fait, significative qu'après 36 SA. L'expérience italienne était nettement moins favorable que celle qui a été enregistrée en Chine par le Cooperative Research Group on Moxibustion réunissant 2 041 gestantes sou­mises à la moxibustion, cité par Ewies et Olah [19] qui rapportaient un taux de succès de 84,6 % après 34 SA, obtenu avec seulement 1 à 4 applications dans 86 % des cas.

Le mécanisme d'action de l'acupuncture serait une réponse des mouvements fœtaux aux contractions utérines induites par la libération d'hormones surré­naliennes après la stimulation nerveuse, avec aug­mentation secondaire des œstrogènes et libération de prostaglandines [23]. Cette méthode est, par consé­quent, contre-indiquée en cas de menace d'accouche­ment prématuré. L'accroissement des mouvements fœtaux a été mis en évidence par l'auto-comptage maternel (48,45 mouvements par heure contre 3 5,35 dans le groupe contrôle (p < 0,00 1) [25] et par l'ana?


lyse informatisée du rythme cardiaque fœtal, avec une réduction significative du rythme de base et une aug­mentation des accélérations en rapport avec des mou­vements fœtaux [26]. Dans une étude randomisée et contrôlée, Cardini et Wrixin [25] ont démontré que la moxibustion appliquée à 33 SA pendant 1 à 2 semaines augmentait de façon significative les versions cépha­liques à 35 SA (RR = 1,58 ; IC à 95 % : 1,29-1,94) et qu'après les VME, le nombre de présentations cépha­liques lors de l'accouchement était statistiquement plus fréquent chez les 130 patientes traitées que chez les 130 témoins (RR = 1,21 ; IC à 95 % : 1,02-1,43) [25].

Une autre étude chinoise utilise les points auricu­laires correspondant aux viscères abdominaux en fixant par un emplâtre une graine de Vaccaria sege­talis que la patiente presse pendant 5 minutes trois fois par jour, pendant 4 jours. Le taux de versions est de 86,8 % dans ce groupe testé entre 33 et 37 SA, significativement plus élevé que par la méthode pos­turale genu-pectorale (44,4 %) [27].

Zone de Texte:  LA CHIROPRACTIE

La technique de Webster est une méthode de mani­pulations destinées à lever les contraintes intra-utérines musculo-squelettiques qui empêcheraient la version du siège [28]. Elle comporte deux étapes :

La première étape analyse les relations fonction­nelles et spatiales des os du bassin et la correction manuelle est effectuée avec douceur au niveau des articulations sacro-iliaques. On évoque, du fait du relâchement des ligaments pelviens, des mouvements des articulations sacro-iliaques, en particulier des rotations du sacrum par rapport aux lignes innomi­nées qui décriraient des déplacements antéro-infé­rieurs et postéro-supérieurs autour d'un axe vertical et des déplacements internes ou externes autour d'un axe transversal, de l'ordre de 1 à 3 mm entraînant une asymétrie du bassin [28]. La manipulation du sacrum serait également destinée à rétablir une tension équi­valente sur les deux ligaments utéro-sacrés de façon à empêcher une modification de l'axe utérin pouvant résulter de la rotation du sacrum.

La deuxième étape consiste à évaluer les spasmes musculaires abdominaux, sans jamais vouloir modi­fier la position fœtale. L'objectif est de rechercher des tensions ou des nodules douloureux sur le trajet du ligament rond, principalement sous l'épine iliaque antéro-supérieure et de lever le spasme par simple effleurement.

Une enquête postale effectuée auprès des membres de l'Association Internationale de Chiropraxie Pédia­trique révèlerait un taux de succès de 92 % à partir de 112 réponses [28].

 

L'HYPNOSE

 

Une étude cas-contrôles réalisée dans le Vermont par Mehl et al. [29] à partir de 100 gestantes portant un fœtus en siège de 37 à 40 SA montre un taux de conversions de 81 % contre 48 % dans le groupe témoin. Les séances d'hypnose étaient conseillées jusqu'à la version spontanée ou jusqu'au terme : elles préconisaient un relâchement général, destiné à sup-primer la crainte et l'anxiété et interrogeaient le sub­conscient des patientes sur les raisons pour lesquelles leur enfant restait en siège.

Zone de Texte:  DISCUSSION

Diverses méthodes ont été proposées pour faciliter la version spontanée du siège. Beaucoup de publica­tions manquent évidemment de rigueur méthodologique dans l'évaluation des résultats. Une seule d'entre elles répond aux impératifs de la randomisation : il s'agit de la moxibustion qui semble être véritablement effi­cace en Chine [25]. La plupart de ces méthodes encouragent le fœtus à modifier sa position, principa­lement en stimulant sa motricité, avec des résultats comparables à ceux de la version par manœuvre externe. L'avantage des méthodes alternatives natu­relles est évidemment leur absence de coût et leur apparente innocuité.

À l'opposé, la version par manœuvre externe réduit environ de moitié les présentations du siège à terme (RR = 0,42 ; IC à 95 % : 0,35-0,50) [30], mais elle nécessite souvent la mise en place d'un traitement bêta­mimétique préalable, une stimulation acoustique fœtale [31], voire des procédures plus complexes et moins inoffensives comme une analgésie péridurale ou l'administration de produits nitrés [32, 33]. Elle se complique parfois de bradycardies ou de décollements placentaires qui peuvent nécessiter une césarienne en urgence et elle peut entraîner une transfusion fœto­maternelle imposant une surveillance fœtale renforcée.

Zone de Texte:  CONCLUSION

Parmi les méthodes naturelles favorisant la version spontanée du siège, les plus étudiées ont été les tech?


niques posturales et l'acupuncture. Leur évaluation manque presque touj ours de rigueur méthodologique. Elles méritent cependant d'être connues, car elles per­mettent fréquemment d'éviter une version par manœu­vre externe avec des procédures plus complexes, voire potentiellement dangereuses et certainement coûteuses en temps et en personnel. Ainsi, comme le suggèrent Cardini et al. [23], la médecine occidentale, qui se veut essentiellement scientifique, avec ses pratiques rigides et ses biais technologiques, peut-elle s'enrichir des tra­ditions ancestrales de la médecine chinoise (ou inca) et redevenir plus simple et plus humaine ?

RÉFÉRENCES

 

1.     Hannah ME, Hannah WJ, Hewson SA, Hodnett ED, Saigal S, Willan AR. Planned cæsarean section versus planned vaginal birth for breech presentation at term: a randomised multicentre trial. Term Breech Trial Collaborative Group. Lancet 2000; 356: 1375-83.

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22/03/2008
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